Grenoble le 28 juin 2010,



Je traine à écrire ce récit, car je n'ai pas envie de terminer ce voyage (au moins provisoirement), d'ailleurs je n'ai toujours pas vidé mon sac avec mes bottes ,

A Trinidad, le bateau mis au sec, je termine de le préparer pour son repos de plusieurs mois (rinçage de tous les cordages, retouche des voiles chez le voilier pour le génois, la grand-voile, le lazy bag, préparation de la coque et la quille en vue de l'antifooling, travaux de menuiserie pour réhausser la couchette arrière, changement de bague de safran, démontage et mise au clair de l'hydrogénérateur, hivernage du moteur inboard et du moteur d'annexe, vernis de la barre et des boiseries des hublots, vaigrage du carré, nettoyage divers, mise en place du déshumidificateur ..) Marie-Jo et Michel sur Avel-dro me rejoignent. Leur bateau passera l'hiver à côté de Nuages. Je rencontre plusieurs équipages. En particulier Michel, un pappy de 72 ans qui navigue en partie seul sur Hoenir Ovni 35. Il démarre de Trinidad avec projet de rejoindre l'Irlande non-stop et seul. De toutes les Antilles il ne verra que Trinidad! En fait je retrouverai Michel à Horta aux Açores. En effet au vu des cartes meteo annonçant une grosse dépression, il s'est détourné sur les Açores. Le 28 Avril, je laisse NUAGES et prends l'avion pour la Martinique où je rejoins Gérald sur LOUSTIC. Gérald déjà rencontré à Madère, puis aux Canaries, puis au Cap-Vert et en Martinique recherche des équipiers pour rentrer en Bretagne. Je me suis proposé pour l'accompagner jusqu'aux Açores. Loustic est un bateau acier (plan Provin) de 12m. Un peu lourd, ce n'est pas un bateau de régate, il a besoin de vent pour avancer, il offre une intérieur avec beaucoup de rangements et un agencement intérieur original. Ma couchette est dans la coursive babord. Elle est super confortable. Sylvestre, le troisième équipier, rejoint le bord le lendemain. Sylvestre a été recruté sur internet. Entre deux jobs il s'octroie le temps de réaliser une envie de traversée en bateau. Nous faisons les courses d'avitaillement en prévoyant une traversée d'un mois. Les trois cagettes de pommes nous permettrons d'avoir du frais jusqu'aux Açores. Tout trouve sa place dans le bateau. Au marin je retrouve -Philippe et ses enfants qui vivent sur son dufour 4800. Philippe n'a encore jamais navigué, mais a des rêves .. -Jean-Claude sur son cata Sepia -Brigitte et Philipe qui avaient t dématé pendant la transat aller sur le bateau d'un ami, viennent de craquer pour acheter un ketch de 48 pieds en alu. -Le petit jeune à qui j'avais donné un guide des antilles. Il veut revendre son petit bateau et aller voyager à pied en Asie. -Marina et ses trois enfants sur Digoweg..



Sur les pontons il y a une atmosphère de départ, les équipages sont essentiellement masculins. Gérald a pris les services d'un routeur météo, en charge de nous guider au mieux pour slalomer entre les calmes plats de l'anticyclone des Açores et les grosses dépressions de l'atlantique nord.



Nous partons le 4 mai aprés une dernière douche, un dernier rasage. Nous arrivons à Horta aux Açores 28 jours plus tard. Bien que longue cette traversée ne m'a jamais paru ennuyeuse. La première semaine nous tirons des bords le long des antilles et remontons au Nord. La deuxième semaine nous jouons avec les calmes plats ( deux fois nous baissons les voiles et attendons que le vent revienne. c'est un peu l'ambiance du mouillage mais à 1000 km de toutes côtes). Jusque là c'est une transat de demoiselle (mer belle, soleil, vent modéré..) La troisième semaine nous faisons un détour vers le Sud-Est pour éviter une grosse dépression (merci Monsieur le routeur), l'ambiance se rafraîchit, quelques grains. La quatrième semaine enfin en cap direct sur les Açores,grains, cirés indispensables, capots de descente souvent fermés, une dernière nuit bien agitée (vent établi pendant plusieurs heures à plus de 40 noeuds, une belle déferlante pendant le quart de Gérald).



L'ambiance à bord est très bonne. Nous mangeons bien (Sylvestre s'avère gourmet et bon cuisinier). Je dors bien dans ma couchette. Nous refaisons souvent le monde lors de nos repas conviviaux, parlons évidemment bateaux. Nous nous demandons pourquoi on aime ces traversées. Difficile à expliquer. A trois on peut bien mieux se reposer (par plage de 6 heures) qu'à deux (plage de 3 heures). Bons bouquins à bord, réserve de Sudoku.



Le seul problème technique de cette traversée est une panne de pilote. Les pièces de rechange étaient en fait déjà usagées. Nous avons du barrer 5 jours.



Malgré une ou deux lignes de traîne, nous n'avons rien pêché.



Nous avons aperçu plusieurs fois des jets de baleine. Une est passée très près du bateau (50m) alors que j'étais au téléphone avec ma mère à l'occasion de la fête des mères.. Des dauphins nous ont accompagnés à plusieurs reprises. Un paille en queue nous a fait un festival faisant mine d'atterrir sur les panneaux solaires. Les puffins avec leur vol magnifique aux ras des vagues étaient intéressés par nos leurres tout au long de la traversée. Quelques poissons volants et 2 calamars se sont échoués sur le pont. Beaucoup de rencontres de méduses à voiles appelées aussi caravelles portugaises, étonnants animaux avec les filaments immergés, et une espèce de voile au dessus de l'eau, chavirant dans les écumes des vagues et se redressant aussitôt pour reprendre leur navigation au gré des vents. Nous avons traversée des champs de sargasses, algues vivant en surface et se déplaçant au gré des courants. Elles ont donné leur nom à cette zone de l'océan.



Nous avons croisé une dizaine de cargos, 3 voiliers.



De superbes lever et coucher de soleil tout au long de ces 28 jours de mer.



Le 29ème jour, à 14h nous apercevons la terre. Il fait gris et humide. Nous entrons dans le port d'Horta et nous mettons à couple sur le quai d'accueil. Je retrouve l'ambiance d'une arrivée à Guernesey, ciel très bas, collines verdoyantes. Je ne descends pas à terre avant le lendemain, ayant besoin de ce sas avant de reprendre une vie de terrien.



A horta, je retrouve des bateaux déjà rencontrés Daam-Dour de Marilène, Hoenir de Michel, Sirios de Josiane et Patrick, Fidelio, Dame des Tropiques, Eolica, Caprice à deux ... Il faut dire que Horta est un passage quasi obligé sur le chemin du retour.

Sur les quais d'Horta, les équipages racontent leurs traversées bien agitées cette année. Un navigateur solitaire a du abandonner son bateau qui faisait l'eau et a été récupéré par un autre navigateur solitaire. Cela fait suite à Seb navigateur solitaire sur un feeling 10.90 qui nous a tenu au courant par mail pendant la traversée de ses aventures. Il a du abandonner son bateau à une semaine de Saint Martin en raison de problèmes avec son safran et a été récupéré par un cargo .



Après quelques jours de nettoyage, rangement, petites balades à pied dans les environs, il est l'heure de prendre congé de Gérald, Sylvestre et Loustic, de faire mon sac et de prendre l'avion pour Lisbonne et Lyon, le coeur restant un peu sur l'océan.



Je retournerai fin décembre à Trinidad pour naviguer sur NUAGES. La destination de ce nouveau voyage n'est pas encore déterminée.

En attendant je vais retrouver famille, amis et montagne. Mais ma tête est encore un peu sur l'océan, et je suis tous les jours la progression de LOUSTIC vers la Bretagne.



A bientôt.



Daniel Voilà quelques photos. Certaines sont de Sylvestre.

Le bateau au sec à Trinidad côte à côte avec Avel-Dro

Formation en V des pélicans partant pêcher le matin

Avitaillement en pommes sur LOUSTIC au Marin

Equipage sur LOUSTIC

Gerald en communication mail avec le routeur

Un des magnifiques couchers de soleil

Il commence a faire frais

Sargasse

Bain au milieu de l'atlantique

Etonnante méduse à voile

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Calamar échoué sur le pont

Il fait encore plus frais et plus humide..

Loustic à Horta

Michel à Horta

Au revoir les Açores, peut-être à l'année prochaine sur NUAGES