Le Marin 20 DĂ©cembre 2009

La Transat



Le bateau étant sécurisé dans la nouvelle marina de Mindelo au Cap Vert, je l'ai laissé ainsi que mon équipier pendant une petite semaine pour aller randonner dans l'ile toute proche de Santo Antao avec MarieJo et Michel un couple de Benodet voyageant sur leur Bavaria 36. Cela fait du bien de redevenir terrien et d'utiliser ses jambes pour voyager. Nous avons parcouru des sentiers menant d'un cratere devenu champs cultivés jusqu'a la mer en passant dans des villages de paysans accesibles uniquement à pied. Culture du mais, de la canne, du manioc ....                                                                                                                                                                                           Nous avons longé l'océan sur des sentiers pavés à flanc de montagne ... Des paysages alternant des reliefs trés découpés et trés sauvages avec des cultures en terrasses s'élevant jusqu'au sommet de belles aretes... On a croisé des paysans dans leur champs qui m'ont donné des goyaves, des lycéens rentrant du lycée et gravissant les 500m de dénivelé pour rentrer chez eux sous un soleil de plomb ... Nous avons vu les pécheurs de Punta de Sol slalomant dans les déferlantes pour rentrer dans leur minuscule port.

De retour sur le ferry, j'avais l'impression que les vacances Ă©taient finies...

Maintenant il faut penser à la traversée. Je termine quelques petits bricolages, nous faisons les dernieres courses (eau, vivres frais, biscuits pour les quarts..) Je passe 3 heures dans l'eau à nettoyer la carène des algues qui s'accumulent et risquent de freiner le bateau. Le soir nous prenons nos repas au Club Nautico et apprécions la musique live et surtout un guitariste. Chaque jour nous voyons des bateaux (3 ou 4 par jour) qui partent. Beaucoup vont sur le Brésil qui est bien plus proche que les Antilles. Notre départ est fixé au samedi 29 Novembre. J'avoue que je suis assez ému par cette attente du départ, réfléchissant à ce que j'oublie, a ce qui pourrait casser ou tomber en panne pendant la traversée .. Un marin qui a déja fait cettte traversée me dit qu'une seule chose peut nous guetter, c'est l'ennui !!



Enfin l'heure de larguer les amarres est là, Michel vient nous aider tandis que Marie-Jo nous salue de corne de brume comme le veulent les us et coutumes. Il fait beau, je suis content de partir. 3600 km de mer avant de voir une terre. Je compte 16 à 17 jours de navigation, et plus si problème..                                                                                              René en fin de quart

Cette transat est l'objet d'un reve de prés de 40 ans..



Elle a Ă©tĂ© pour moi une expĂ©rience de relation avec le temps. En effet sur le bateau il n'y a pas beaucoup de choses Ă  faire : -Veiller que l'on ne voit pas un autre bateau (nous avons vu un bateau par jour les 5 premiers jours puis plus rien et un le dernier jour..) -Une fois par jour mettre le GPS pour faire le point que l'on reporte sur la carte et rĂ©ajuster le cap s'il y a lieu. -rĂ©glage des voiles quand nĂ©cessaire en moyenne 5-6 fois par jour. -prĂ©parer un repas chaud par jour -Mettre la ligne de peche et la retirer si poisson -VĂ©rifier l'Ă©tat des batteries (un peu de moteur si besoin) -vĂ©rifier les fonds (pour prĂ©venir une entrĂ©e d'eau) -Le matin ramasser les poissons volants qui se sont Ă©chouĂ©s sur le bateau.



Le reste du temps, c'est contemplation de la mer et du ciel, lecture, sommeil, pensées intérieures ... Les premiers jours paraissent longs (surtout la nuit). On compte les jours passés, on n'ose pas compter combien il en reste. puis aprés avoir passé la moitié du trajet, alors tout s'accélère, et à deux ou trois jours de l'arrivée on n'est plus pressé d'arriver, même si l'on a envie de faire un bon temps !! (surtout que MarieJo et Michel sont partis 24h aprés nous et je n'aimerais pas du tout qu'ils arrivent avant nous !!!)



C'est aussi une expérience de solitude. Même à deux, je me suis souvent senti tout seul. d'abord la nuit on ne fait que se croiser sauf quand il y a un problème (empannage sauvage, pilote qui fait des siennes ..) Le jour je vis dehors avec un livre, René, a du mal à se concentrer pour lire un livre, passe son temps dans le carré à somnoler, regarder la carte papier ou lire le guide cotier des Antilles. On se sent loin de tout. On aimerait apercevoir d'autres voiliers ou plus de cargo surtout les nuits sans etoile sans lune ...

René lui a eu un coup de blues au bout de 10 jours ... Moi j'ai eu tout le long un peu de stress par rapport au matériel ... Effectivement notre pilote nous a laché une nuit ou j'étais de quart, j'étais en train de rebranvher un panneau solaire, et j'ai malencontreusement débranché le pilote. Le bateau est parti en vrac (avec le génois tangonné qui a pris à contre). Obligé de barrer toute la nuit. Le lendemain j'ai pu le rebrancher. La deuxième panne du pilote est survenue à 3 jours de l'arrivée. Elle nous a obligé à barrer continuellement jusqu'à la Barbade. Plusieurs fois je me suis endormi en barrant ...



Quand on approche de la terre on cherche les premiers signes annonciateurs (odeurs, oiseaux, nuages, dauphins, cĂ´tes): cette fois ci cela aura Ă©tĂ© les lumières sur la cĂ´te et puis un phare sur la pointe sud de l'ile de la Barbade. On est arrivĂ© de nuit (1h du matin heure locale) dans le mouillage, nous avons tatonnĂ© pour se trouver une place. Beaucoup de bruit de la musique d'un bar jusque tard dans la nuit, mais j'Ă©tais content d'etre arrivĂ©, de sentir le bateau se reposer sur la mer plate Ă  l'ancre. SMS Ă  Noelle. Nous avons alors fait une collation : apĂ©ro, puis le thon pĂ©chĂ© quelques heures plus tĂ´t, du fromage sec de Tenerife et du vin rouge ... Que c'est bon de se coucher dans un bateau qui ne bouge plus, ne craque plus, ne cogne plus sur les vagues. Que c'est bon de se coucher sans avoir Ă  ĂŞtre rĂ©veillĂ© 3 heures plus tard. Le lendemain c'Ă©tait mal de crane, mais quel plaisir de dĂ©couvrir le paysage environnant La musique du bar a laissĂ© la place au chant du coq. L'eau est magnifique, turquoise, toute plate, des tortues y nagent tranquillement . Je me baigne et dĂ©barque Ă  la nage sur l'ile de la Barbade au sable fin avec reflets rouges. heureux.. Heureux de l'accomplissement de cette transat, Ă©mu aussi ...

Pendant cette traversée J'ai bien aimé les nuits étoilées ou avec la lune, sentir le bateau dans les longs surfs sur la houle, les lumières de la mer, la houle tous les jours différente, la langueur de ces jours où toutes les minutes t'appartiennent, voir tous les jours notre trace avancer sur la carte, me caler dans le cockpit avec un livre et lever les yeux sur la houle qui nous rattrape nous soulève nous pousse et nous dépasse, se faire accompagner par la lune, retrouver le soleil tousles matins dans le ciel colorés ...

Quelques donnĂ©es techniques pour les voileux : DurĂ©e de la traversĂ©e : 14 jours et 16 heures. 5 cargos croisĂ©s, pas un voilier Pas vu ni dauphins ni baleines. Vu quelques oiseaux : Paillequeus, fous et un petit oiseau dont je ne connais pas le nom. AttrapĂ©s 2 dorades coryphenes et un petit thon. La batterie moteur changĂ©e avant de partir a rendu l'ame. (J'aimis Ă  la place une des batteries de servitude.) Le Pilote (vĂ©rin hydraulique) a eu ses charbons qui se sont anormalement usĂ©s. Nous avons Ă©tĂ© 95% du temps les voiles en ciseaux avec le gĂ©nois tangonnĂ© (attention a l'usure du tangon sur les Ă©coutes) Nous Ă©tions souvent un peu sous voilĂ©s (attente du prochain grain, nuit, envie de mĂ©nager le matĂ©riel) Quelques empannages sauvages. Merci le frein de bome Walder. Une poulie de renvoi du frein de bome a Ă©clatĂ©. je ne faisais le point qu'une fois par jour. Tous les instruments Ă©taient Ă©teints le reste du temps. A chaque fois petite excitation (dĂ©ception ou bonne surprise) du nombre de miles parcourus depuis la veille. La plus petite distance parcourue : les premieres 24 h : 108 miles sans doute la dĂ©vente due aux iles du Cap vert. La plus grande distance : 158 miles Le vent a soufflĂ© de force 2 Ă  6+ La mer : beaucoup de houle croisĂ©e rendant souvent acrobatique la vie Ă  bord et surtout la cuisine ... Les vagues ont atteint 5 mètres. Impressionnantes mais jamais dangereuses (RenĂ© les estimait Ă  7m!). Des passages de grains ont permis de nettoyer le bateau ... Etabilissement des quarts de 19h a 10h du mat. DurĂ©e des quarts 3h. Quand il a fallu barrer les quarts ont Ă©tĂ© ramenĂ©s Ă  2 h.



Deux nuits passées à la Barbade, avec promenades à terre, bains autour du bateau, nettoyage de la carene... Puis c'est la traversée pour la martinique. Du vent, de la pluie. Le bateau marche vite, mais se trouve travers au vent et au vagues, ce n'est pas confortable et barrer est fatiguant. Mais cela ne dure que 20heures pour arriver au mouillage de Ste Anne, que nous quittons apres une bon bain, un bon repas a terre et une bonne sieste réparatrice de la nuit de navigation.



Arrivée au port du cul de sac du marin. Ici c'est un peu l'usine à charter de catamaran. Un peu déprimant. Je retrouve des amis qui étaient aux cap vert et sont partis 2 jours avant moi. Eux ils ont cassé le mât. Ils ont pu rejoindre la martinique sous gréément de fortune. En fait chaque bateau a eu ses problèmes plus ou moins importants. J'attends Marie Jo et Michel, Chantal et Luc, Gerald qui devraient bientot arriver.



Il y a pas mal de choses a faire sur le bateau. Cela va m'occuper jusqu'a l'arrivée de Noelle en fin d'année. Bonne fête de fin d'année.

A bientĂ´t. Daniel



PS : J'ai mis quelques videos en ligne qui montrent l'ambiance du bord http://www.youtube.com/watch?v=ACf8NoE9X7o http://www.youtube.com/watch?v=hKvBClDEKjk http://www.youtube.com/watch?v=57whAdkLmB0 http://www.youtube.com/watch?v=wBMdbB4nGhw